Jean-Baptiste Troisgros, le père, avait acheté avant
la guerre, vers 1930, l’hôtel des Platanes, en face de la gare de Roanne. Ses fils, Pierre et
Jean, firent des stages dans les meilleures maisons : au Crillon, chez Lucas-Carton, chez
Point (avec Paul Bocuse), chez Maxim’s…
Vers 1955, Jean-Baptiste décida de donner « Les Platanes » à ses fils et la
foudroyante ascension de l’Hôtel Troisgros date de cette époque. 1957 : la première
étoile Michelin (la seconde en 1965 et la troisième en 1968).
Le modeste hôtel était devenu un établissement confortable et luxueux.
Avec des rites. Ainsi, le beaujolais de l’année est servi dans des pichets d’étain mis à
rafraîchir dans la glace. Jean-Baptiste, avec raison, estimait que beaucoup de vins rouges, à
moins d’être très vieux, ne sont jamais meilleurs qu’à température de cave (12 à 14°), les très
jeunes pouvant être servis encore plus frais. A l’époque, c’était une nouveauté.
On ne flambait pratiquement jamais non plus. Le flambage pouvait compromettre le goût
et l’équilibre du plat. Seul le homard grillé était flambé en salle, mais avec la consigne
impérative de ne pas toucher la chair mais seulement la carapace. « Tout alcool cru,
disait Jean-Baptiste, mis en contact avec un mets avant le flambage le tue
irrémédiablement. »
Les Troisgros collectionnaient déjà les cognacs « non réduits » et très
rares. Pierre Troisgros jugeait qu’un alcool titrant 48 à 50° aidait à digérer mais que des alcools
plus faibles risquaient au contraire de charger inutilement l’estomac.
Enfin, les Troisgros lancèrent la mode des assiettes de taille inhabituelle dressées en
cuisine. Une petite révolution, qui n’a pas toujours été très appréciée par les gastronomes de
tradition mais qui a fait école.