Apprécier les traditions de la bonne table, les vins qui chantent dans les verres, la culture gastronomique, c’est l’affaire de tous.
Mais combien croient qu’ils savent manger, alors qu’ils ignorent la succulence des produits vrais, se pâment devant des plats médiocres, donc trahis, hument leur abominable pinard qu’ils prennent pour un grand vin ?
Car l’ignorance et la sottise à table sont des maux très répandus.
Il est vrai que le lobby agroalimentaire, de façon tenace et sournoise, veut nous faire avaler des viandes sans saveurs, des volailles à chairs molles et fades, des légumes, des fruits et des fromages aseptisés, donc insipides.
Ces ayatollahs de la malbouffe, ces ignorants du terroir, ces ennemis de l’artisanat du goût juste, inondent les rayons des magasins de leurs productions à bas prix mais à gros profits.
Difficile, direz-vous, d’éviter cet univers de médiocrité.
Et c’est vrai que la qualité se mérite, que le goût se forme, et qu’il faut l’assaisonner d’envies et de passion.
Mais le bonheur est au rendez-vous quand le produit authentique, bien préparé, arrive dans l’assiette, dégage ses parfums, séduit le palais, excite l’intelligence et la sensualité.
« Les ouvrages de cuisine et de spiritualité ont remplacé sur les rayons des libraires les ouvrages de sciences humaines », constate aujourd’hui un écrivain français.
Rien d’étonnant !
C’est un retour aux sources, une recherche, un regret…
Si la cuisine est un jeu d’enfant, dommage qu’on ne l’enseigne pas à l’école primaire et que les mères qui travaillent ne fréquentent plus guère leurs casseroles au bénéfice du micro-ondes et des surgelés.
L’éducation du goût ne se fait plus à la maison, même si les statistiques récentes montrent qu’en France, entre 1986 et 1998, la durée quotidienne des repas pris en famille à la maison est passée de 1 h 19 à 1 h 22, et que 10 % des hommes aiment cuisiner.
Ce sont les restaurateurs qui ont pris le relais.
Personne n’aime les gargotes mais tout le monde apprécie les bons restaurants et les moins de 35 ans n’y font pas exception.
Les restaurateurs sont aujourd’hui les gardiens du temple.
S’ils savent acheter les meilleurs produits, les préparer avec respect et talent, nous faire partager leur enthousiasme et une vraie joie de vivre à table, s’ils défendent avec générosité un artisanat basé sur la vérité dans le verre et dans l’assiette, ils méritent d’être appréciés par des virtuoses des saveurs.
Un grand cuisinier a droit à la reconnaissance et aux applaudissements des connaisseurs, et pas seulement des snobs et des faux gourmands, trop nombreux, qui ne font pas la différence et contemplent leur assiette, d’un œil bovin, sans comprendre.
Jacques Kother