Fruits, légumes, primeurs : 1001 conseils pour ne pas se tromper ©
Sujet: Le guide des bo


C’est un marché unique en Europe : le Centre Européen de fruits et légumes, à Bruxelles, commercialise chaque année près d’un million de tonnes de fruits, légumes et primeurs en provenance des cinq continents. Il y accueille quotidiennement des grossistes belges et étrangers et les acheteurs de grandes surfaces.
Grâce à eux, nous pouvons déguster les fruits les plus étonnants, les légumes les plus succulents et les primeurs les plus rares.
Les choix à opérer ne sont pas une sinécure et le dicton des commerçants du Centre Européen en témoigne : « Si tu veux finir avec une petite fortune, tu commences avec une grande ».
Sa création, il y a vingt-trois ans, au Quai des Usines, est due à une initiative d’importateurs de fruits et légumes, de la Ville de Bruxelles et de la Société de Développement Régional de Bruxelles.


Alexandre Willems, chef propriétaire du restaurant Kokejane à Herne et de l’Apicius Tropical Hôtel et Restaurant à Durbuy connaît bien cet espace étonnant, qui se tient dans une galerie marchande de 32 000 m2: il y a possédé jusqu’il y a peu un des magasins phares parmi les soixante-quatre existants.
Difficile de trouver plus connaisseur en la matière. C’est lui qui, le premier, a importé, il y a plus de vingt ans, les fruits exotiques en Belgique.
C’est donc avec cet expert que nous avons parcouru les allées du Centre Européen, en savourant ses commentaires. 
Au programme, les séductions du verger et du potager: la pomme, l'ananas, le melon, l'abricot, la pêche et la pêche de vigne, les raisins, le pamplemousse, la cerise, la tomate, les mini-légumes et le chicon.


Les séductions du verger et du potager

«Le marché n’est pas simple : lorsque le prix d’un fruit ou d’un légume est en hausse, c’est qu’il y en a trop peu, explique Alexandre Willems. Le détaillant en achète, mais la vente va être bloquée à cause de son prix. La demande va tomber. Les prix aussi. La sagesse veut donc qu’on attende. Il ne s’agit pas ici de petites quantités, mais de camions entiers. C’est un métier stressant et difficile que celui d’importateur en fruits et légumes. Il faut savoir à quelle demande répondre et être capable de choisir et de prendre des risques. Il faut connaître les produits à fond. Rien n’est jamais acquis et, en l’occurrence, les produits frais sont soumis à de nombreux imprévus, comme des intempéries ou des vagues de chaleur. Des contrôles très stricts doivent être exercés en permanence.
Un critère de base : un fruit s’achète sur son aspect. Il doit être sain, sans tache, sans traces suspectes, sans crevasses ni cicatrices ni blessures. Sa couleur doit être homogène. Son goût dépend des saisons et des vergers.»

La pomme

«Une pomme, par exemple, doit avoir une forme régulière et une coloration uniforme. Il existe pour tous ces fruits des calibrages précis et, selon ceux-ci, les fruits sont mis en carton en fonction de leur nombre. Ce sont des repères pointus pour les professionnels.
«Le «top» actuel, c’est la pomme Fuji, une nouvelle variété originaire du Brésil et d’Australie et qui est importée par plusieurs pays qui en ont planté. Ce sont des espèces protégées par un importateur et un label, car elles sont issues d’un terroir.
«La meilleure Golden est originaire du Limousin. Sa qualité est due à l’ensoleillement et au terroir. La Granny parfaite vient du sud-est de la France, il s’agit de la variété d’Avignon, le meilleur terroir. Les pommes rouges viennent du sud-est et du sud-ouest de la France. Nous avons d’excellentes Jonagold en Belgique.»


Depuis quatre ans, on trouve une nouvelle variété de pomme : la Pink Lady, conçue au Chili, en Argentine et en Afrique du Sud à partir d’une variété française. C’est une marque déposée. Chaque fois qu’on vend une pomme, son créateur touche des royalties…

• Méfiez-vous des pommes trop brillantes lustrées à la cire.
Faut-il manger la peau des pommes? Certainement si les fruits viennent de votre jardin, car une partie des nutriments se trouve sous la peau. En revanche, épluchez celles du commerce. Elles subissent des traitements chimiques et conservateurs dont les effets se concentrent aussi sous la peau.
• Si vous cuisez une pomme au four, ne l’évidez pas jusqu’au fond.
Elle retiendra la farce que vous y mettrez (raisins, miel, lard, oignons d’abord cuits au beurre, etc). Ne pelez pas la pomme avant de l’évider, car la peau maintient la pulpe. 

Ca, alors !
On dit que la pomme combat l’excès de cholestérol. Il faudrait, pour cela, en manger 1 kg par jour, mais comme la pomme est chargée en glucides, il faut choisir… 

L’ananas


«La maturité d’un ananas représente un danger : son arôme n’a rien à voir avec sa maturité, dit Alexandre Willems. Il est du à un produit chimique jeté sur la plantation pour accentuer la couleur. Un bon ananas doit être d’un jaune orangé. Les meilleurs viennent de Costa Rica. Il faut éviter ceux de la Martinique, beaucoup moins goûteux. Les aides agricoles qui sont apportées à l’île par le gouvernement français faussent le marché. C’est également le cas des bananes des Antilles françaises. »

• Un bel ananas doit être lourd, avoir le plumet bien vert et dégager une odeur franche. Sa teneur en sucre est plus élevée vers le pied que vers le toupet. C’est pourquoi, pour que tout le monde tâte de ses différentes nuances, il vaut mieux le présenter coupé verticalement. Enlevez le toupet et la base, coupez en 4, 6 ou 8 selon la grosseur, retirez la partie centrale fibreuse et puis détachez soigneusement au couteau l’écorce de la chair. Taillez chaque quartier en tranches régulières. Pour servir, laissez ces tranches sur leur écorce.
Ne conservez pas l’ananas au réfrigérateur.

Ca, alors !
L’ananas contient de la broméline, un enzyme qui digère mille fois son poids de protéines. C’est pourquoi on pense souvent que l’ananas fait maigrir. L’ennui, c’est que la broméline est contenue dans la queue et non pas dans la chair. Et qui penserait à manger de la queue d’ananas ? 

Le melon


«Attention aux melons « fendus » : ils éclatent à force de sucre, prévient Alexandre Willems. La cicatrice fermente. Il faut les vendre le plus vite possible. Un jour un producteur m’a dit « J’ai beaucoup de melons fendus. 200 tonnes ». J’ai trouvé son slogan : « C’est le soleil qui me fait sourire ». Il a tout vendu.
«Les meilleurs melons du monde viennent aujourd’hui de la région de Moissac et du centre de la France, ainsi que de Guadeloupe.
«Plus il y a de cicatrices autour du pédoncule, plus le taux de sucre est élevé. Deux choses importent : le sucre et les arômes. La maturité est atteinte quand le melon en possède un maximum. Il faut éviter d’acheter des melons qui ont été tâtés par tout le monde. Les gens, souvent, manquent de délicatesse. Cette pression occasionne des cicatrices internes à chaque coup et pression portés. L’odeur du melon donne toutes les indications d’achat utiles : des notes herbacées témoigneront de sa sous-maturité. Des notes épicées, des senteurs de poivre de Séchouan et de violette signifieront qu’il est mûr. L’odeur de madère, de sucre caramélisé, accusera sa surmaturité. Dans ce cas, il ne faudra pas l’acheter.
Il ne faut jamais garder le melon au réfrigérateur ni en dessous de 10°.
«Pour que le melon se conserve bien, il faut qu’il ait été coupé à la fin de la journée, quand il est gorgé de sève. Il restera toute la nuit à refroidir sur sa terre. Le matin, il sera trié selon sa qualité. Les meilleurs melons français sont signés Claude Boyer. Israël a mis sur le marché les melons Galia, plus faciles à produire, mais plus neutres que les Charentais. Aujourd’hui, l’Espagne en est un gros producteur. C’est l’Andalousie qui produit les meilleurs melons espagnols. »

L’abricot


«Il y a l’abricot de table et l’abricot de compote, précise Alexandre Willems. Les premiers doivent être bien orangés, avec parfois des taches de rousseur. Ils doivent être juteux, fermes et souples à la fois. On trouve difficilement des abricots irréprochables au niveau de la texture et du goût.
Lorsque l’on ajoute du sucre à l’abricot, la qualité n’est pas la même. La France produit la variété polonaise Bergeron. La Grèce est également un bon fournisseur. L’Espagne est le plus gros producteur. Les meilleurs abricots viennent d’Australie. Ils sont gros comme des pêches et coûtent très cher. Les abricots Estagiel sont recherchés. L’étiquette rouge signifie Extra. La verte, 1er choix. La jaune, 2ème choix. La blanche n’est pas destinée à l’exportation. »

• Ne vous attendez pas à ce que l’abricot que vous achetez non à point évolue favorablement. Une fois cueilli, il ne mûrit plus. Les utilisations sont immenses : faites-en des compotes (avec une feuille de menthe), des confitures, des flans, des sorbets, du jus mixé, des mousses, des coulis. Préparez-le en beignets. Servez-le avec de la volaille et des viandes blanches. Farcissez-en un poulet ou un jambon frais désossé…

Ca, alors !
L’abricot contient du carotène excellent pour la vue, pour les femmes. 

La pêche

Alexandre Willems : « La meilleure marque de pêches (et de nectarines) s’appelle Château Pérouse. Elles viennent de Nîmes, dans le sud-est. Je suis très amateur de pêches de vigne qui sont un peu la noblesse de la pêche. Leur chair est succulente. »
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• Ne ratez surtout pas la courte saison de la pêche de vigne, qui ne se tient que de fin août à octobre. C’est une pêche très goûteuse, à la chair rouge qui est une merveille de goût. Venue du Proche Orient en passant par la Hongrie, elle est un produit typique des Coteaux Lyonnais depuis plusieurs siècles.
A l’ouest de Lyon, autour de Thurins, Bessenay, le climat et le sol favorisent la coloration et la saveur de cette pêche sanguine.


Ca, alors !
A l’origine, la dénomination « pêche de vigne » vient du fait que les vignerons plantaient un noyau à côté d’un cep. Le pêcher, plus fragile, servait de témoin aux maladies de la vigne. La pêche de vigne se déguste nature et entre dans des préparations culinaires (pochée dans du vin rouge, elle accompagne bien le canard). 

Les raisins

«Une très grosse vente : les raisins blancs à gros grains d’Italie. La variété principale est la Victoria. Les Chasselas sont des petits raisins très sucrés sans pépins. Les Belges préfèrent les gros raisins. Les raisins noirs ne représentent que 10% de la vente des blancs. 80 à 90 camions de 20 tonnes par jour sont vendus en Belgique.»

Le pamplemousse

«Les pamplemousses les plus remarquables viennent des Etats-Unis, affirme Alexandre Willems. Les Américains sont de grands cultivateurs, des pionniers, qui ont la passion de la terre. Ils sont très forts aux points de vue de la production, de la culture et de la recherche de la rentabilité. Là-bas, il n’y a pas que le hamburger. Le pamplemousse rose de Floride est incomparable, comme le rouge texan et le blanc californien. Même chose pour les citrons : les Sunkist, champions incontestés, existent en quatre ou cinq catégories aux Etats-Unis. Ils ont été copiés par les Grecs et les Turcs. Ils ont un calibrage particulier qui n’appartient qu’aux U.S.A»

Ca alors !
En réalité, le pamplemousse que nous dégustons est le pomelo, un hybride du pamplemousse et d’une orange de Chine, mis au point par Philippe Odette, un chirurgien de Napoléon Ier, aux Bahamas où il était prisonnier des Anglais. Libéré, il émigra en Floride où il en fit la culture. Le véritable pamplemousse est d’une acidité telle qu’il n’est utilisé que cuit, en confit ou marmelade.

La cerise


«Regardez ces merveilleuses cerises, dit Alexandre Willems. Ce sont des variétés américaines qui viennent d’Espagne. La Sunburst et la New Star sont des nouvelles variétés, la Bing une plus ancienne. Il y a aussi deux calibres de Sumit . Les nouvelles variétés sont les plus chères.»

La tomate

Alexandre Willems : « C’est à Gand que l’on met au point toutes les grandes semences de tomates du monde. On parle beaucoup aujourd’hui de tomate mère. En fait c’est une tomate déformée. Il y a trente ou quarante ans, le kilo coûtait 5 F quand les autres en coûtaient 25. Aujourd’hui, avec le retour du terroir, c’est l’inverse. Un snobisme ridicule.»

Les mini-légumes


Les mini-légumes ont un goût plus dense, plus concentré. Ils permettent le partage sur les assiettes sans que cela déborde. Ils sont très chers. Ils coûtent déjà 6 € à l’importation !


La courgette jaune a moins de goût que la verte et coûte 5 fois plus cher. A éviter, évidemment. 

Les chicons

Alexandre Willems : «La Belgique est la meilleure productrice de chicons, bien que l’on en cultive ailleurs. En France, on a développé l’hydroculture en serres (qu’on appelle « forceries ») qui donne des légumes aqueux sans goût et noirs à la cuisson. Nos chicons de pleine terre sont incomparables. Chez nous, il y a une valorisation du produit qui n’existe pas en France. J’ai vendu des chicons aux Américains de 1985 à 1987. J’en exportais quotidiennement deux fois par jour six palettes aériennes via la Sabena. Chaque palette faisait 2400 Kg. J’approvisionnais ainsi 250 supermarchés américains.»


Danielle Dechamps





















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