En 1610, à la mort du roi Henri IV, surnommé fort à propos le Vert-Galant, Louis XIII, son fils, a neuf ans.
Bon sang ne peut mentir : enfant très précoce, il avait déjà, à trois ans, des conversations qui faisaient frémir son entourage pourtant aguerri.
Héroard, son médecin, raconte dans son journal qu’un matin de 1604, il éveille sa nourrice et lui dit « Zezai, mon guillery fait le pont-levis, le voilà baissé, le voilà levé. » Et, dit Héroard, c’est qu’il le baissait et le levait ».
Un peu plus tard, comme on lui demandait de boire à la santé de l’infante d’Espagne, sa promise, il répond : «Je m’en vais boire à ma maîtresse.»
Il ne peut s’endormir qu’au son d’une seule berceuse :
«Bourbon l’a tant aimée
«Qu’à la fin l’engrossa
«Vive la fleur de lys.
Un conin de bois
Louis a le sens de l’observation très aiguisé. A cinq ans, il appelle Héroard et lui demande d’écrire dans son journal «que le conin de sa mie Georges est grand comme cette boîte (c’était celle où étaient ses jouets d’argent) et que le conin de Dubois (demoiselle de Mme de Vitry) est grand comme son ventre, que c’est un conin de bois.
Je lui demande : « Monsieur, n’en avez-vous point ? »
«Il répond que non, qu’il a une cheville qui est au milieu de son ventre, mais que c’est Doundoun qui a un gros conin entre les jambes. Enfin, il prie Dieu et s’endort à neuf heures trois quarts ».
Louis XIII fait son marché lui-même
L’adolescent n’a plus rien de l’enfant rieur.
Louis XIII devient le plus morose et le plus chaste des rois de France et il préfère à la bagatelle les casseroles et les lardoires.
A 13 ans, il est invité chez des amis. Après le repas, il se rend à la cuisine, se fait apporter six œufs et en fait «des œufs perdus et des œufs pochés au beurre noir, et des durs, hachés, avec du lard, de son invention».
Il larde merveilleusement les longes de veau, réussit parfaitement les gâteaux au beurre, les omelettes, les beignets et les confitures. Il adore fait son marché lui-même. Lors d’un voyage à Calais «il va sur les rives de la mer, attendant les bateaux qui reviennent de la pêche et il achète deux plies et deux soles, donnant pour payer une pistole».
Il ne se rend dans les auberges que s’il peut cuisiner, plumer des poulets et faire flamber du lard sur des carbonades de mouton. Il sert souvent ses invités lui-même et mange après tout le monde.
A côté de son rendez-vous de chasse de Versailles, il fait cultiver un potager. Avec les fruits obtenus, le roi fabrique des conserves.
Peu de temps avant sa mort (à 42 ans), «il fait faire dans sa chambre une collation de ses confitures de Versailles à la reine, la princesse de Condé, aux duchesses de Lorraine, de Longueville, de Vendôme et autres dames».