
A quoi sert la culture gastronomique?
Sujet: Editorial
Bonne question ! A ne pas se nourrir idiot ? A rester
en bonne santé ? A éviter la malbouffe ? A augmenter la joie de vivre ? A affiner son odorat et
son palais ? Un peu tout cela. Comme on aime Balzac ou Paul Morand, Proust ou
Rabelais, Hemingway ou Dickens, Goya ou Renoir, Wagner ou Chopin, Ravel ou
Debussy, on doit apprendre, intégrer une culture, s’ouvrir aux découvertes et aux émotions
gourmandes. Depuis que « Le Guide des Connaisseurs » existe (37 ans), depuis que
nous avons véritablement créé, avec succès, le premier magazine « grand public » consacré
à la culture du goût, on a vu déferler, en vrac, les errements (et les réussites, soyons justes) de
la Nouvelle Cuisine, les pizzeria, les fabriques à hamburgers, beaucoup de dérives avec, en
point d’orgue, la vache folle. Aujourd’hui, on ne jure plus que par le terroir.
Les chefs
affirment bien haut qu’ils ne choisissent que les meilleurs produits. C’est souvent vrai, pas
toujours. Mais, aucun doute, le rare homard breton peut arriver vivant, en un temps record, au
fin fond des Ardennes ou dans un patelin perdu de la Flandre profonde, pour y être servi par
un cuisinier attentif aux saveurs et doué. Grandes maisons et petits bistrots à la française
rivalisent souvent de qualité dans des registres différents mais complémentaires. On en
verra la meilleure preuve en votant, comme des milliers de nos lecteurs, pour les GRANDS
PRIX 2005 DE LA BONNE CUISINE DE TRADITION. Un chef qui transcende une petite
table grâce à une stricte maîtrise des cuissons, à la qualité des sauces classiques, à une
assiette généreuse et sans esbrouffe, à des produits de véritable gourmandise, à la
succulence de ses préparations et au génie des arômes, est un maître. Nul besoin de
produits hors de prix pour entrer dans le monde de la gastronomie. Et pour donner le
sourire à des convives heureux. Il y faut seulement le bon choix, l’intelligence du goût, et
le talent. Beaucoup de chefs n’en manquent pas, qui nous procurent du plaisir à l’état
pur avec une cuisine exquise de simplicité, une viande tendre et savoureuse, un rognon
moelleux et succulent, une vraie tête de veau en tortue, un pintadeau fermier et son hachis
Parmentier, des rattes écrasées à l’ail et réveillées par un petit jus corsé de vinaigre de vin,
des asperges à la flamande tendres et d’une superbe fraîcheur, des crevettes qui n’ont pas
fait le voyage du Maroc pour y être décortiquées mais sortent directement de la mer, un
canard de Barbarie avec ses échalotes ou ses navets confits, la dorade ou le dos de cabillaud
simplement rôtis, la côte de veau de lait qui donne envie d’en reprendre… Le vin frais
rigole dans les verres. Et on se dit que les bons cuisiniers, les cuisinières qui nous
régalent, sont des médecins de l’âme et des adeptes du bonheur communicatif. Jacques
Kother
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