C’est le grand Frédéric, à la fin du XIXe siècle, qui a introduit cette préparation spectaculaire à La Tour d’Argent, le célèbre restaurant parisien. Plus de cent ans plus tard, elle sera toujours en vedette et numérotée… Chaque convive reçoit le numéro de son canard.
Il faut, pour cette recette, un joli canard de 6 à 8 semaines, de belle corpulence. Détail cruel, mais gastronomiquement indispensable, on tuera « l’élu » par suffocation, pour qu’il conserve tout son sang.
Un consommé bien épicé est préparé à l’avance à partir des abattis et carcasses des canards précédents. On fait rôtir la volaille à four vif, vingt minutes environ. Cuit superficiellement, il sera encore « à la goutte de sang ». L’opération se fait en cuisine.
Le canard est alors présenté à ses futurs dégustateurs, puis livré au « canardier ».
Celui-ci le porte sur la scène du « petit théâtre », où chacun pourra observer le rituel du sacrifice.
Le foie, haché, est déposé sur un plat creux en argent. On lui ajoute une mesure de vieux madère, un petit verre de cognac et un filet de jus de citron.
Le canardier se saisit du canard et en détache les membres qui seront grillés en cuisine. Puis, à l’aide d’un couteau à lame très effilée, il ôte toute la peau et lève les filets en tranches très fines, aussi larges que possible. Ils sont aussitôt dressés sur le plat en argent tandis que la carcasse, brisée en quelques coups de sécateur, est enfermée dans la presse à canard. En la serrant à plusieurs reprises, on extrait tout le jus que l’on mouille d’un verre du consommé. Ce jus vient rejoindre dans le plat les filets et la préparation au foie haché.
On assaisonne à point, de sel et de poivre, et voici l’épisode délicat : la réduction.
On met le plat sur un réchaud muni de deux fortes lampes à alcool. Le canardier va cuire les filets pendant quelques minutes dans cesser de battre la sauce dans laquelle ils baignent.
Au bout de ce temps, réduite à point, elle doit ressembler à du chocolat fondu.
Pour le service, les filets sont disposés sur une assiette chaude et généreusement nappés de sauce. On accompagne de pommes soufflées.
Au second service, les cuisses grillées et assaisonnées sont présentées avec une salade bien tendre.