
La jeune et déjà célèbre cantatrice Adelina Patti suit la mode et possède un album où hommes de lettres et artistes sont priés de consigner une pensée, de crayonner un dessin ou de jeter quelques notes de musique. Elle rencontre souvent Berlioz dans les salons mais l’auteur de la «Damnation de Faust», vingt fois sollicité, a toujours refusé d’ajouter un autographe à ceux, fort nombreux, qui embellissent l’album de la diva.
Un soir, cependant, la Patti, voyant Berlioz de bonne humeur, lui dit d’une voix câline :
- Maître, si vous consentez à écrire aujourd’hui ce que vous voudrez, une pensée, un vers, une portée… - je vous donne à choisir entre deux récompenses : ou je vous embrasserai, ou je vous ferai goûter d’un superbe pâté de foie de camard qu’on l’a envoyé de Toulouse.
Berlioz sourit.
- Confiez-moi votre album!
Adelina s’empresse. Le compositeur écrit ces deux mots latins :
- Oportet Pati.
- Cela signifie, demande la diva, curieuse.
- Mon enfant, dit le gourmand Berlioz en riant, cela signifie « APPORTEZ LE PATE!
Ce texte est issu du livre «La Mémoire du Ventre» de Jacques Kother, paru aux Editions Pierre De Meyere en 1964. Cet ouvrage anecdotique, pittoresque et érudit avait reçu Le Grand Prix International de Chronique Gastronomique.