Encore aujourd’hui nous
utilisons de très nombreux mots arabes : café, safran, estragon, cumin, sorbet, orange, arack,
épinards, artichauts, alcool un mot qui signifie littéralement «chose subtile»), abricots,
bananes, etc.
Les savants arabes ont sauvé le patrimoine grec de l’oubli et ont créé la physique et la
chimie expérimentale, la géologie ou la sociologie, l’algèbre et l’arithmétique, ainsi que la
pharmacologie.
Entre autres !
On leur doit aussi l’alambic sans lequel il n’y aurait pas d’alcool.
A l’époque où la plupart des peuples occidentaux se nourrissaient de soupe au chou et
de viandes rôties, la gastronomie arabe était déjà exceptionnellement raffinée.
Alors que cette civilisation était à son zénith, le plus célèbre médecin arabe depuis
Galien disparut en 925.
C’était un savant illustre doublé d’un passionné de cuisine et d’herboristerie.
Il était aussi excellent musicien et amoureux des livres. A l’époque, les bibliothèques de
plusieurs centaines ou même de plusieurs milliers de volumes n’étaient pas si rares.
Ses compatriotes l’appelaient Ar-Rasi (Ar-Rhases pour l’Occident). Il était né près de la
ville actuelle de Téhéran, au milieu du IXe siècle.
A trente ans, il s’installe à Bagdad et se plonge dans l’étude de la médecine, avant de
rentrer chez lui pour soigner et enseigner. Sa renommée est extraordinaire.
Clinicien génial, il compose des ouvrages de diététique et des livres de cuisine.
Il y donne des recettes pour conserver dans le vinaigre des asperges, des aubergines,
des oignons, des concombres et des piments.
Il indique la façon de préparer des confitures de mirabelles, de roses, d’abricots,
d’oranges, de cédrats.
Il donne des conseils : “Ne pas cuire les haricots secs dans l’eau où ils ont trempé, pour
éviter toute fermentation intestinale.” - “Chaque fois que tu peux soigner grâce à un simple
régime alimentaire, ne prescris pas de médicaments, et chaque fois qu’un remède banal peut
suffire, n’en prescris pas un plus complexe.”
Il invente les dragées qui dissimulent le mauvais goût de certains médicaments.
Il rédige aussi le premier dictionnaire médical à l’usage des familles, et y décrit avec
précision les diverses maladies et les remèdes que l’on peut se procurer aisément, y compris
ceux que l’on trouvé à portée de main dans la cuisine.
Il écrit aussi un livre qui serait aujourd’hui un best-seller : “Guérissons en une
heure”.
Ar-Rasi n’est pas seulement un grand médecin. Il est aussi un des premiers chimistes
dignes de ce nom.
Il est le premier à fabriquer par la distillation de l’alcool pur à partir de liquides contenant
de la fécule ou du sucre.
La distillation permettait alors notamment de fabriquer des produits pharmaceutiques
mais aussi l’arack à partir de jus de datte fermenté.
L’alambic devait être introduit plus tard en Espagne, en Italie et en France par un
savant espagnol, Arnoldo de Villanueva, plus connu en France sous le nom d’Arnaud de
Villeneuve, mort en 1313, et qui sera, à tort, considéré comme l’inventeur de l’alcool ou
eau-de-vie.
Introducteur de l’alambic arabe, tout au plus, et émule d’Ar-Rasi, près de quatre siècles
après lui !
Cognac, armagnac, whisky, et autres eaux-de-vie fameuses allaient en tout cas pouvoir
être découverts et produits, pour le plus vif plaisir des amateurs, au fil des siècles...
Retenons ce nom : Ar-Rasi.
Il y a six siècles, la Faculté de médecine de Paris ne possédait qu’un seul ouvrage qui
répertoriait l’ensemble de la science médicale depuis l’Antiquité jusqu’en 925 après
Jésus-Christ.
Cet oeuvre précieuse et colossale, ornement de la plus petite bibliothèque du monde,
était signée Ar-Rasi.
Une statue d’Ar-Rasi fut élevée à cette époque dans le grand amphithéâtre de l’Ecole
de Médecine.
A la fin du XXe siècle, elle y est toujours.
Et le grand médecin arabe contemple ainsi la foule des étudiants d’aujourd’hui.
Mais savent-ils qui il était ?
Et pourtant ! Quel génie et quel bienfaiteur de l’humanité !